dimanche 23 décembre 2012

L'humain d'abord. Le cas HCL-T


Série Leardership troopers

Les innovations sont souvent à chercher du côté des évènements surprenants et donc dans le cadre de grandes organisations, militaires ou non, dans les échecs ou les succès inattendus par leur ampleur. Quand, en moins de quatre ans et malgré la crise économique, une entreprise de la taille d’une « armée » européenne (85 000 employés) triple ses recettes et son bénéfice d’exploitation, multiplie par cinq le nombre de ses clients et fait monter de 70 % le taux de satisfaction de ses membres, elle attire forcément l’attention. Cette entreprise est indienne, c’est HTC Technologies (HLCT). Elle s’occupe de services informatiques et son président, Vineet Nayar, fait désormais partie des managers les plus écoutés dans le monde.

L’approche de Vineet Nayar, dite Employees first, customers second ou EFCS, s’est toujours voulu résolument pragmatique. Elle s’est mise en place par étapes et en utilisant largement les possibilités des technologies de l’information. La première étape a simplement consisté à établir un point de situation à partir d’une série de consultations. Grande originalité, c’est la direction, loin des discours et slogans lénifiants habituels, qui a été souvent la plus critique sur la situation réelle de l’organisation. L’image qui est sortie de ces travaux a été celle d’une entreprise sur le déclin, très loin des slogans officiels qui dominaient jusque-là. Ces travaux d’analyse ont permis ensuite, tout aussi collectivement, de définir le projet le plus mobilisateur possible.

La première méthode qui a été choisie ensuite pour atteindre cet objectif ambitieux a été la confiance fondée sur la transparence selon le principe dit de « la fenêtre d’Amsterdam » (en rendant visible les intérieurs les larges fenêtres hollandaises poussent leurs habitants à les ranger et les nettoyer). Toutes les informations possibles sur l’entreprise et ses différentes sous-structures ont ainsi été mises à la disposition de tous. Bien entendu, la presse et la concurrence ont pu y avoir ainsi accès mais cela a été considéré comme un risque acceptable au regard des bienfaits obtenus. Chacun connaissait ainsi les objectifs de l’entreprise et la manière dont lui ou ses voisins, y contribuait ou non. Un forum a été ensuite mis en place permettant à n’importe quel employé des poser des questions à la direction.

La deuxième méthode a consisté à déterminer ceux qui étaient vraiment à la source des profits de l’entreprise et à organiser la hiérarchie autour d’eux. La « zone de valeur » ayant vite été identifiée dans les agents de première ligne au contact des clients, il a été décidé d’ « inverser la pyramide » et de mettre managers et services à leur disposition et non l’inverse. Parmi les procédés utilisés pour faciliter le travail des agents de première ligne on peut citer le Smart service desk, inspiré du service client, et qui permet à n’importe quel employé d’ouvrir un dossier électronique pour exposer un problème, demander un renseignement ou faire une requête de travail et de l’envoyer au service concerné. Le dossier est affecté à un agent qui doit s’efforcer de remplir un certain nombre de critères, dont un délai de résolution et au-delà de ce délai, le dossier est envoyé automatiquement à l’échelon supérieur. Le processus est entièrement transparent de sorte qu’un employé peut à tout moment consulter l’état d’avancement de son dossier et c’est lui qui le clôture lorsqu’il s’estime satisfait. Le SSD a non seulement permis de révéler et de résoudre une multitude de problèmes cachés jusque-là mais il a surtout fourni les données pour déceler des sources générales de problèmes et de les traiter en amont. Avec le temps, le nombre de dossiers a ainsi diminué, permettant de cette façon leur résolution encore plus rapide.

La troisième méthode, dérivée des deux précédentes, a consisté à faire confiance à l’intelligence de tous. La direction a utilisé le forum de questions, du haut vers le bas, pour demander leur avis aux employés, avec notamment la rubrique « Mes problèmes » du PDG. Des réunions, dites « Perspectives », ont été mise en place entre la direction et des employés pour vérifier la concordance des points de vue. Plus original, chaque manager est désormais noté par tous les employés ayant été en rapport avec lui dans l’année à partir d’un questionnaire simple (« ce manager vous aide-t-il à accroître la valeur que vous apportez au client ? Vous aide-t-il à analyser et identifier les solutions à un problème ? Etc.).

Au bilan, en faisant confiance à tous les employés et en mettant au centre des attentions ceux qui, au bas de l’échelle, sont considérés comme apportant vraiment des bénéfices à l’organisation, HCLT a non seulement résolu ses problèmes de productivité mais elle a connu une croissance bien supérieure à ses rivales dirigistes et/ou technocratiques traitant les subordonnées, au mieux, comme de grands enfants ou, au pire, comme des coûts.

Vineet Nayar, Les employés d’abord, les clients ensuite, Diateino, 2011.

2 commentaires:

  1. Et quand on voit le nombre des "croupières" que le groupe HCL est en train de tailler aux "historiques du secteur" (IBM, HP/EDS, ...) en Europe, on peut se demander si cette gestion n'est pas vraiment l'avenir ... Maintenant demander à un patron français sorti de l'ENA/Normale/Sup Aéro de tenir compte de l'avis d'un infâme VRP plongé dans le "camboui" de la vente, il passera encore du détergent sous les ponts

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  2. Hé oui, l'entreprise (comme toute organisation/société humaine) est bien un être vivant, et non une chose.

    La tête n'est rien sans les bras, les jambes, la vue, la parole.
    Et ce corps ne fonctionne bien que lorsque les organes vitaux et leurs habitants invisibles (globules blancs, bactéries, cellules & co) sont nourris correctement et travaillent ensemble, dans la même direction.

    Sans dialogue et écoute permanente entre tout ce petit monde… chacun choisira sa propre survie, l'équilibre physique du corps et sa dynamique mentale (raison de vivre) seront rompus ; et c'est la fin du corps qui commence - si personne ne décide alors d'en prendre le contrôle, avec un objectif d'intérêt commun réellement partagé.

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