mercredi 9 mai 2012

La crise du budget de la défense



Après une campagne où les questions de défense n’ont guère eu de place et à quelques mois d’un probable nouveau livre blanc, Martial Foucault procède à une remarquable analyse du 4e poste de dépenses de l’Etat. Ce que j’en retiens :

En valeur absolu, le budget de la défense est passé d’un plus haut de 36 milliards d’euros (constants 2000) en 1991 à un plus bas de 29 milliards en 2002, pour remonter à environ 32 milliards 2010, soit le budget de…1981. Au passage, de 1981 à 2010, le budget de la défense a augmenté en moyenne de 0,17 % sous les gouvernements de gauche et de 0,12 % sous les gouvernements de droite. En valeur relative, la défense est passé de 14 % du budget de l’Etat en 1991 à 9,5 % en 2010 et de 3,3 % du PIB à 1,7 %.

Si la baisse globale  de – 18 % des années 1990 correspond à un phénomène général de prise de « dividendes de la paix », (le budget militaire des Etats-Unis diminue de 16 % pendant la même période, celui de la Russie s’effondre, etc.), la quasi-stagnation française depuis 2002 nous a laissé « sur place » face au + 170 % de la Chine, + 79 % de la Russie, + 59 % des Etats-Unis, + 18 % du Royaume-Uni (les quatre autres membres permanents du conseil de sécurité). La France est désormais classée au 5e rang, juste devant le Japon mais en passe d’être très vite rattrapée par l’Inde (+ 66 % en dix ans). Pour autant, à l’exception du Royaume-Uni, cet effort est encore très supérieur à celui des autres nations européennes. Si chaque Français dépense environ 600 euros chaque année pour la défense (comme le Suédois), pour l’Italien la facture n’est plus que de 370 euros et pour l’Allemand de 230.

La structure même de ce budget pose problème avec un maintien à l'équilibre du budget de fonctionnement (le coût de la professionnalisation a été compensée par la réduction des effectifs) et une réduction des dépenses d’équipements passant de 18 milliards par an en 1991 à une moyenne de 14 milliards (avec de fortes variations) depuis 1998, alors même que les programmes lancés pendant la guerre froide et maintenus depuis sont de plus en plus coûteux.

Depuis 1994, aucune loi de programmation militaire (LPM) n’a été respectée, le programme d’équipements des forces (le BOP 146 en termes LOLF) servant largement de variable d’ajustement (avec une terrible année 2002, où 2,6 milliards d’euros d’équipements ont disparu). Le résultat a été un décalage permanent entre des autorisations d’engagement et les crédits de paiement. En clair, la défense n’arrive pas à payer ses commandes qui sont donc réduites, mais le coût unitaire des matériels explose, et/ou reportées, ce qui implique le paiement  d’indemnités et le maintien en service de matériels anciens de plus en plus couteux à entretenir ou même des programmes d’attente non prévus initialement comme le Mirage 2000-5.

Le Livre blanc (et la Révision générale des politiques publiques) de 2008 suivi de la LPM 2009-2014 prévoyait bien de résoudre le problème en sacrifiant des effectifs (- 54 000 postes, soit bien au-delà d’un retraité sur deux), tout en promettant une augmentation du budget annuelle d’1% jusqu’en 2020. La loi de programmation des finances publiques de septembre 2011 a consacré l’échec de ce plan. Les réductions d’effectifs ne permettent de financer qu’environ 4 % de la LPM, les recettes exceptionnelles espérées (ventes diverses) sont loin du compte et le 1 % d’accroissement annuel est inférieur à l’ « inflation militaire », c’est-à-dire l’augmentation moyenne du coût des équipements et des hommes (soldes, pensions, etc.). Malgré le plan de relance de 2009, il manque toujours 46 milliards d’euros (dont 30 accumulés depuis 2006) pour payer tous les équipements prévus et la réduction des effectifs comme celle des moyens d’entraînement ou d’entretien atteint ses limites.  




1 commentaire:

  1. Bonjour Colonel,

    Je souhaite vous signaler ce rapport d'information de l'Assemblée nationale, réalisée par les députés Adam, Fromion et Baudouin, à propos de l'exécution de la précédente LPM (2003-2008).

    http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1378.asp

    Le rapport se lit bien et vite.

    Il est très bien expliqué comment l'Etat est responsable des dérapages des coûts des programmes.

    Cordialement

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