mercredi 7 mars 2012

La guerre à distance-Tsahal contre le Hezbollah (3/3)


Au bilan, cette armée, qui, en 1967, avait détruit trois armées en six jours, éprouve les pires difficultés à progresser de plus de quelques centaines de mètres par jour face à l’équivalent d’une division d’infanterie légère. Il est vrai que celle-ci est bien entraînée, bien équipée et, surtout, ses hommes sont prêts à mourir au combat. Ce n’est pas la première fois que les Israéliens se trouvent mis en difficulté, le cas le plus dramatique étant celui des premiers jours de la guerre du Kippour. A  cette époque pourtant les Israéliens avaient réussi en quelques jours à trouver des parades au système opérationnel mis en place par les Syriens et les Egyptiens. En 2006, rien de tel, car non seulement les troupes terrestres ont pris de mauvaises habitudes pendant les affrontements contre les faibles milices palestiniennes mais, à force d’économies permanentes et de réductions de budgets, elles n’ont pas eu l’occasion de se préparer à autre chose.

Quand une armée est matériellement bien plus forte que son adversaire, les causes de son échec sont souvent à chercher du côté de la psychologie. La première source du ratage israélien est venue du décalage énorme entre les objectifs affichés (libérer les deux soldats capturés le 12 juillet, démanteler le Hezbollah et tuer son chef) et le prix du sang que l’on était prêt à payer pour cela, ou plus exactement le prix que l’on croyait que l’opinion publique était prête à payer. Or, le gouvernement israélien, persuadé  d’une « extrême sensibilité aux pertes », a largement sous-estimé ce prix.  En réalité, en 2006, l’opinion publique israélienne était beaucoup plus courageuse et prête aux sacrifices que l’ « opinion publiée », c’est-à-dire l’élite médiatique et politique, mais cela ne fut découvert qu’après les combats. Et lorsque la pusillanimité va jusqu’à refuser de qualifier de guerre l’affrontement armé de deux structures politiques (le conflit contre le Hezbollah ne sera baptisé guerre qu’un an plus tard), il ne faut pas s’étonner de la colère, non pas des légions mais des populations, furieuses d’être ainsi infantilisées. Le deuxième enseignement majeur est que la réduction d’un effort de défense engendre mécaniquement une réduction des capacités, surtout si les réorganisations s’effectuent selon des critères seulement comptables et économiques. L’armée israélienne des années 2000 s’est fracturée entre une force de frappe conventionnelle de haute-technologie de plus en plus coûteuse et une force d’occupation et de sécurité de plus en plus pauvre tactiquement et matériellement. Toutes deux se sont révélées incapables de faire face à une force de guérilla sophistiquée de quelques milliers d’hommes, malgré un déploiement de force supérieur au nouveau contrat opérationnel français décrit par le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale.

A la bataille de Valmy en 1792, Goethe assistait stupéfait à l’impuissance des armées en dentelles, belles troupes professionnelles où le soldat « était rare et cher », face aux armées des peuples. Il annonçait alors une nouvelle ère. Depuis 2001, les puissantes armées occidentales, Tsahal compris, n’ont vaincu aucune organisation non étatique armée dans le grand Moyen Orient. A l’été 2006, elles ont même toutes été mises en échec simultanément, dans le Sud afghan, à Bagdad et au Liban. Voilà peut-être un nouveau Valmy.

2 commentaires:

  1. Bonsoir colonel Goya,

    Je suis frappé par cette crainte, si j'ose dire, que l'Armée de Terre puisse se découpler entre une force de haute technicité et une autre, plus centrée sur la défense du territoire, pauvre tactiquement et en équipement, voir constituée d'unité de réservistes.

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  2. Bonjour
    Analyse pertinente comme tj, la transposition à l'armée Française et Européenne est justifiée? Nos forces doivent rester suffisantes et homogènes, quand aux réservistes ils doivent être qu'un moyen de renforcement des forces. Si non nous serons dans la situation d'une belle maison protégée par un système d'alarme sophistiqué qui donnera l'alarme, donnera l'image et le son de l'intrusion en direct, mais il n'y aura personne pour intervenir !

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